Travail à domicile familial : quelles tâches exécutent les mamans ?

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Femme et fille faisant la lessive dans la cuisine lumineuse

En France, 97 % des emplois d’assistante maternelle sont occupés par des femmes, dont une part croissante de travailleuses migrantes. Selon le ministère du Travail, l’écart de rémunération dans ce secteur dépasse 20 % par rapport à la moyenne nationale, en raison de la précarité des contrats et du manque de reconnaissance professionnelle.

Au quotidien, certaines tâches sortent complètement des radars officiels. La paperasse administrative qui s’accumule, les heures supplémentaires qui ne figurent sur aucune feuille de paie : voilà le lot de beaucoup d’assistantes maternelles. Et l’accès à la formation ? Loin d’être acquis pour toutes. Les inégalités persistent, notamment entre salariées françaises et étrangères. À tout cela se superposent les obstacles liés à l’accès à l’emploi ou à la régularisation administrative, autant de réalités qui compliquent la vie de ces professionnelles, souvent invisibles jusque dans les statistiques.

Le travail domestique familial : un secteur invisible mais stratégique

Le travail domestique échappe encore à l’analyse publique, comme le souligne l’historienne Michelle Perrot. Dans l’ombre des maisons, les mères pilotent un ensemble de tâches dont la complexité dépasse largement la seule sphère privée. Organisation, pédagogie, gestion de crise, capacité à s’adapter : la vie de famille exige un éventail de compétences qui, dans bien d’autres secteurs, seraient valorisées et nommées. Ces compétences maternelles nourrissent à la fois l’intimité du foyer et le monde professionnel, en particulier dans les métiers de la petite enfance et de l’accompagnement.

Pour comprendre la variété des tâches assumées, il suffit de regarder de près :

  • les rouages de la logistique familiale, de la gestion des courses à la coordination des emplois du temps
  • l’accompagnement scolaire et la transmission éducative
  • le soutien psychologique et la vigilance santé auprès des enfants
  • l’anticipation constante des besoins du foyer

Le travail familial ne se limite pas au ménage ou à la cuisine. Beaucoup de mères, souvent absentes des enquêtes officielles, occupent aussi des postes en télétravail : assistante maternelle, rédactrice web, gestionnaire de boutique en ligne, formatrice à distance, community manager. Ce mélange d’aspirations professionnelles et de contraintes familiales dessine une nouvelle approche du travail, bien loin des schémas traditionnels.

Michelle Perrot analyse la faible reconnaissance de ces métiers, où le savoir-faire domestique, pourtant fondamental pour la cohésion sociale, reste rarement valorisé à la hauteur de sa contribution. La frontière entre vie professionnelle et vie familiale s’estompe, révélant un secteur hybride, trop souvent dissimulé derrière la façade du foyer mais indispensable au fonctionnement collectif.

Quelles tâches occupent réellement les mamans à domicile ?

Dans la réalité du travail à domicile familial, les mamans orchestrent une multitude de tâches qui dépassent de loin la simple répartition des tâches ménagères. La journée s’organise autour de la préparation des repas, du suivi des devoirs, de l’entretien de la maison, mais aussi de la gestion des plannings familiaux et de la coordination de rendez-vous divers, qu’ils soient médicaux ou administratifs. À chaque imprévu, il faut réajuster, improviser, faire preuve de sang-froid et d’organisation.

Les compétences maternelles s’expriment aussi dans l’éducation, l’accompagnement moral, la résolution de conflits entre enfants, la médiation. Ce bagage, acquis au fil des années, se révèle précieux dans de nombreux métiers : petite enfance, assistance maternelle, animation, soutien scolaire… mais aussi dans des activités hybrides, rendues possibles par le développement du télétravail et de l’auto-entrepreneuriat. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes parviennent à conjuguer vie de famille et activité professionnelle depuis chez elles, en diversifiant leurs missions. Voici quelques exemples de secteurs investis :

  • La rédaction web ou la gestion d’une boutique en ligne
  • Le coaching et la formation à distance
  • La gestion des réseaux sociaux et la création de contenu numérique
  • Les services à la personne, comme la coiffure, l’esthétique, ou encore l’accompagnement scolaire

Le choix d’une activité à domicile dépend de plusieurs critères : il s’agit de trouver le bon équilibre entre flexibilité, intérêt personnel, sécurité financière et soutien du réseau proche. Le télétravail permet d’ajuster les rythmes familiaux tout en offrant de vraies perspectives d’épanouissement, révélant la diversité et la richesse du travail domestique longtemps ignoré des études sur le travail.

Assistantes maternelles et travailleuses migrantes : des inégalités persistantes

Le secteur du travail domestique familial s’appuie sur la disponibilité de femmes discrètes, mais incontournables. Les assistantes maternelles en sont un maillon clé. Leur quotidien est encadré par un agrément et une formation spécifique, exigeant patience, polyvalence et réactivité. Pourtant, la reconnaissance, qu’elle soit sociale ou salariale, reste fragile. Dans les métiers de la petite enfance comme dans le soin, la réalité du terrain dépasse souvent la reconnaissance officielle des compétences.

Les écarts se creusent encore davantage lorsque l’on regarde la place des travailleuses migrantes. Selon les chiffres de l’OFS, elles occupent la majorité des postes d’employées de maison ou de femmes de ménage. Leur quotidien mêle entretien du domicile, garde d’enfants, aide aux personnes âgées, le tout dans des conditions précaires. La relation de proximité avec l’employeur particulier n’efface pas la distance statutaire : droits sociaux limités, mobilité professionnelle restreinte, perspective d’évolution réduite.

Pour mieux cerner les difficultés rencontrées, il faut souligner :

  • des droits sociaux moins accessibles
  • une reconnaissance professionnelle souvent absente
  • une dépendance économique forte vis-à-vis de l’employeur

Les trajectoires s’entremêlent, mais la hiérarchie sociale reste bien réelle. Les assistantes maternelles, même encadrées par la loi, peinent à faire reconnaître la complexité de leur métier. Les travailleuses migrantes, souvent sans protection institutionnelle, portent l’essentiel du poids invisibilisé du service à la personne. Les chiffres rappellent une chose : il devient urgent d’interroger la logique de délégation familiale, car l’égalité affichée se heurte à la réalité du marché du service domestique.

Maman travaillant sur son ordinateur avec son enfant qui dessine

Vers une meilleure reconnaissance et un accès élargi à l’emploi domestique

Depuis quelques années, de véritables réseaux de soutien émergent autour des mères actives à domicile. Des groupes comme Mamans sur le Fil ou Carré de Mamans structurent les échanges, partagent des conseils concrets et diffusent des informations utiles sur la formation professionnelle ou les voies de reconversion. Les dispositifs publics évoluent aussi : l’OFPC accompagne les retours à l’emploi, tandis que la Ville de Genève commence à prendre en compte, dans certains cas, le temps passé au foyer pour le calcul du salaire à l’embauche.

Les trajectoires se multiplient. Certaines femmes choisissent l’entrepreneuriat, souvent par le numérique ou la vente à domicile. Marion, par exemple, a trouvé sa voie comme conseillère chez Secrets de Miel, incarnant l’essor de l’auto-entrepreneuriat maternel. D’autres s’appuient sur la formation continue pour changer de métier, grâce à des solutions comme le bilan-portfolio de compétences (EFFE) ou le CFC en économie familiale porté par la SPAF.

Trois dynamiques sont à l’œuvre :

  • la montée en compétences grâce à la formation
  • le développement de l’entraide et de la solidarité communautaire
  • une reconnaissance institutionnelle qui progresse, lentement mais sûrement

Cette évolution bouleverse le rapport au travail domestique. Peu à peu, la frontière entre sphère privée et sphère professionnelle s’efface. L’accès à l’emploi domestique ne répond plus seulement à des impératifs économiques : il porte aussi une promesse d’émancipation, d’autonomie et de reconnaissance, appuyée par la force des réseaux, les dispositifs de soutien et la réhabilitation de compétences acquises au cœur même de la famille. On ne regarde plus le foyer comme un simple lieu d’effort invisible, mais comme un espace de potentiel, d’initiatives et de nouveaux horizons.